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Indiana Jones fait du marketing vidéoludique

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Nous sommes dans la cour intérieure d'un ensemble d'immeubles, assez vaste pour accueillir un parking. Je suis Indiana Jones. M'accompagne une charmante créature, brune, pulpeuse, délicieuse. On sort d'un monospace américain noir, et je regarde les échelles de secours.

- Il va falloir passer par là.

En effet, de l'autre côté du grillage, entre deux immeubles, se trouve mon chapeau. Le chapeau d'Indiana Jones, quoi ! J'escalade donc les échelles incendie pour les redescendre de l'autre côté. Une fois le chapeau sur la tête, je vois qu'un garde rôde autour de la voiture. Cachée derrière des voitures stationnées, ma coéquipière ne bronche pas. Je fais le chemin en sens inverse, avalant les marches quatre à quatre. Quand je ratteris du bon côté, je m'approche doucement de l'homme en costume gris pour lui assener un crochet dont je suis passé maître. Au tapis, il ne réagit guerre au coup de grâce porté par ma camarade d'aventures. Une poubelle en métal sur le crâne, ça ne pardonne pas.

- Mince, lâche-t-elle quand je constate le résultat.
- Si on le laisse là il sera découvert. On le met à l'avant et on s'en va.

Le temps de charger le cadavre et la chaleur aidant, la décomposition a débuté son processus. Le voilà qui empeste comme pas deux, me contraignant à ouvrir les fenêtres du monospace. Je prends le volant, ma cogneuse monte à l'arrière, et nous roulons au pas vers la sortie. La barrière est tenue par les mêmes gars que notre macchabée. Mince. L'un d'eux me fait signe de stopper. Comme ma fenêtre est tout juste ouverte et que le verre est fumé, il ne voit pas que son collègue disparu se trouve dans la voiture. Je ralentis et fais mine de m'arrêter... quand j'écrase l'accélérateur, renverse quelques gardes et défonce la barrière de bois. Un coup de volant sur la droite sous une pluie de balles et nous voilà plongé en plein périph.

Mieux que dans n'importe quel film, cette course-poursuite est d'anthologie. Je maltraite la pédale d'accélération tandis que tout les 100 mètres je pile pour éviter une voiture voire un camion. Ce périph qui en réalité suit la côte - nous sommes sur une île paradisiaque - serpente à 30 m de haut, entre les immeubles de verre dans lequel le bleu de l'océan se reflète allègrement. Je fonce, je pile, je braque, je passe ras les rétros, j'utilise le frein à main pour déraper et gagner du terrain, poursuivi par une horde de voitures de flics. On sort de la ville et j'emprunte une bretelle qui monte dans les collines surplombant les falaises. Toujours à fond, même s'il semblerait que nos poursuivants aient cessé de l'être. On s'arrête au bout d'un chemin en terre, face à l'océan. Vite, car ce corps pue vraiment, les mouches le bouffent et pondent leurs oeufs. La jeune femme me suggère ce que je pensais déjà : lâcher la bagnole dans la flotte et continuer la route à pieds. Vu la hauteur... Quand soudain, un hélico noir surgit. Pas de panique, c'est l'hélico de la boîte. Avec un mégaphone, un type me crie qu'il faut impérativement que je retourne au boulot : on est en plein rush. L'hélico se pose un peu plus loin, on grimpe dedans, abandonnant la voiture en plein soleil, pour le plus grand plaisir des mouches.

Retour au boulot. J'ai troqué le chapeau et le fouet pour une chemise blanche et des chaussures de cuir. Je suis responsable marketing dans un studio de jeu vidéo, chef de produit des jeux PSP. On livre dans quelques jours la version finale et plein de choses restent à faire. On me pose des questions, des directives à suivre, des orientations à prendre. Mon stagiaire m'a fait une proposition de texte pour un document qui ne me plait qu'à moitié, je griffonne les phrases à changer et demande à une secrétaire de retaper ça illico, afin que ça parte dans les 5 mn. Mon stagiaire me fait la gueule, du coup. Tant pis, j'aime pas la sienne. D'ailleurs on est vendredi soir, il se barre. Je retrousse mes manches et continue de pondre des textes pour le packaging, le chef de projet vient me voir et on s'accorde sur les bonus cachés qui seront ou ne seront pas dans la version finale du jeu. Tiens, un document urgent à taper. J'ai rédigé le brouillon, je quitte mon bureau pour aller le donner à une secrétaire. En chemin, les haut-parleurs diffusent un message de la SNCF : jour de grève, 30 % du trafic assuré. Il est 20h, on n’est pas prêt de rentrer. J'arrive au bureau de la jeune femme qui enfile son imper. Je lui tends le papier.

- Ah non monsieur, vous avez entendu l'annonce, si je pars plus tard je vais mettre 2 h pour rentrer chez moi.
- Mais ce document doit partir au plus vite... Bon, vous me le ferez demain à la première heure alors, d'accord ?
- Lundi, pas demain.
- C'est ça. Bon, à demain.

Et je tourne les talons, sans me rendre compte de sa tête effarée. Je suis tellement pris par le rush que je ne me rend pas compte qu'un WE se pointe. Je prends le temps d'y réfléchir, debout dans le couloir, le papier toujours à la main. C'est vrai. Pendant deux jours, ce qu'on envoie ne sera pas lu. Il faudra attendre lundi. Je pose le brouillon sur mon bureau, et attrape mon chapeau...

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