10:43

Téléfilm, marginal et bout de la ville

posted under , , by gaetan |
J'habite avec ma copine un appartement dans une grande ville sombre mais propre. Classieux. Il est 19h, et j'ai rendez-vous avec un ami dans un restau-bar, quelques rues plus loin, pour discuter de la refonte du design d'un vieux site dont nous sommes parmi les plus anciens membres. "Je sors", dis-je simplement sur le palier, avant de m'enfuir dans la pénombre des rues désertes. Pas un papier par-terre, pas une poubelle qui déborde, pas un chat non plus.

J'arrive dans ce restau qui fait l'angle, seul point de lumière du quartier. On y diffuse un téléfilm, le même que j'avais en bruit de fond avant de sortir. Je le suis d'un oeil, en attendant mon rendez-vous qui n'arrivera jamais.

Au bout d'une demi heure et d'un demi, m'appercevant que je n'ai ni portable ni monnaie pour téléphoner, je me traite d'andouille et m'inquiète pour celle qui commence à se demander où je suis parti. Je décide alors de rentrer, quand sur le chemin je croise un homme un poil émeché. Pas un clochard, juste un marginal au sourire sympathique qui ne demande rien. Il m'accompagne un bout de chemin, dans la nuit s'installant, parlant d'abord tout seul, puis discutant avec moi. Il est en fait un voyageur, qui va de pays en pays, et assure n'avoir jamais visité de ville comme celle-ci, où il fait froid et noir. Je lui prête ma veste tandis que nous marchons, toujours tout droit. Je me suis perdu. Impossible de reconnaître l'endroit. Voyant mon désarroi, il se montre un peu désolé. Puis nous voyons une lumière briller au loin. Nous marchons longtemps dans sa direction jusqu'à découvrir le bout de la ville et son phare. Une large jetée, parsemée de morceaux de béton et d'étendues de boue. Quelques rocades passent au-dessus de ces plages de terrain vagues. Je suis déjà venu ici, oui, je m'en rappelle à présent. Mais en voiture, et le chemin était particulièrement long ! Aurais-je marché si longtemps ? Et comment rentrer chez soi à pieds, je ne vais quand meme pas longer l'autoroute qui traverse en hauteur cette ville sans fin ?

Tandis que nous allons nous asseoir au pied du phare, j'observe un entrepreneur immobilier, clinquant et dodu, vendre les mérites de ce terrain pourri à un jeune couple désireux de s'installer. La crise du logement n'épargne personne. Le ventreux commercial annonce des superbes villas surplombant une plage de sable fin. Difficile à imaginer en l'état, tout n'est que bitume, terre sale et fils de fer rouillés. Et puis la rocade passe juste au-dessus.

Mon compagnon de route suggère d'"emprunter" la voiture du gros homme. Bonne idée, après tout. Et nous voilà filer sur la rocade, nous faisant avaler par la ville sombre que j'étais empressé de regagner.

0 commentaires

Make A Comment